Camille Claudel de A à Z
A : comme Avortement (Camille Claudel aurait avorté)
Rien de tangible ne permet d'affirmer que Camille Claudel s'est fait avorter, mais nous disposons de quelques lettres et d'éléments biographiques qui nous permettent de déduire que la maîtresse d'Auguste Rodin a eu recours à l'avortement. Ces indices, les voici :
- Paul Claudel écrit à une amie qu'une personne qui lui est proche répond de ses péchés en étant enfermée dans un asile depuis 26 ans. Il précise même qu'il s'agit d'un avortement qu'il compare à un crime.
- Durant leur relation, on sait qu'Auguste Rodin s'est renseigné discrètement à deux reprises auprès de ses relations pour mener à bien des avortements clandestins. Le séjour de Camille au château de l'Islette sans Rodin ressemble d'ailleurs aux conditions d'une convalescence. Un château où les deux amants vécurent des moments intimes et créatifs. Un château où Camille Claudel réalisa un buste appelé La Petite Châtelaine qui représentait la petite fille des propriétaires. Un buste plusieurs fois décliné dans des versions possédant chacune leur expression. Une sculpture qui fit dire à Mathias Morhardt : « Cette Jeanne enfant prouve que Mademoiselle Camille Claudel est désormais un maître ».
- La question de l'avortement prend un sens tragique lorsque l'on sait qu'à l'asile Camille refusait qu'on lui prépare à manger, prétextant sa crainte de se faire empoisonner. Il s'agit là d'un réflexe déjà analysé chez les femmes ayant subi des viols ou des avortements successifs : la semence masculine étant perçue inconsciemment comme étant aussi nocive qu'un poisson.
- Il est intéressant de savoir qu'Auguste Rodin a refusé de reconnaître le seul fils qu'il a eu avec sa compagne Rose Beuret. Le garçon, qui portera le nom de sa mère, travaillera un temps dans les ateliers de son père, avant de s'éloigner d'un homme qui lui refusera son amour et son soutien moral. On comprend alors mieux son refus d'être le père d'un enfant de Camille.
B : comme Boucher (Alfred Boucher)
Alfred Boucher est né le 23 septembre 1850 à Bouy-sur-Orvin, il est mort le 18 août 1934 à Aix-les-Bains. Il fut le premier maître de Camille Claudel et c’est lui qui permit à Camille et Rodin de se rencontrer. Tout commence lorsque Alfred Boucher s’installe Nogent-sur-Seine pour travailler en tant qu’élève puis apprenti aux côtés du sculpteur Ramus. Son talent est reconnu assez vite, puisqu’il reçoit des bourses de la ville et du département, ce qui lui permet ensuite d’entrer à l'École des beaux-arts de Paris. Cela se passait en 1869 et cette année-là Camille Claudel avait 5 ans.
Une fois son apprentissage terminé, Alfred Boucher devient professeur de sculpture. Il propose ses services à Paris et dans la ville où il était apprenti de Ramus, Nogent-sur-Seine ; c’est ainsi que Camille Claudel devient son élève.
Alfred Boucher décèle très vite le potentiel inné de Camille, qui s’amuse à malaxer l’argile, qu’elle ramasse dans la pleine du Geyn, depuis l’âge de 12 ans. Devant l’implacable évidence de son génie artistique, Alfred Boucher insiste auprès de la famille Claudel pour envoyer Camille à Paris, une ville qui lui permettra de continuer à exploiter ses dons d’artiste et d'être repérée par les marchands d’art. Paul Claudel se trompe, ou interprète la réalité à sa manière, lorsqu’il ne retient, du déménagement de la famille à Paris, qu’un témoignage supplémentaire du caractère démoniaque de sa sœur. Sans l’enthousiasme d’Alfred Boucher, il n’est pas certain que le père de Camille aurait accepté ce déménagement, qui allait le contraindre à vivre éloigné du reste de la famille en raison de ses obligations professionnelles. Si Paul Claude affirmera plus tard, dans ses écrits, avoir mal vécu cet éloignement de la province, il oublie de préciser que lui-aussi a profité des avantages inhérents à la capitale dans le cadre de sa formation et de sa carrière de diplomate.
Une fois installée à Paris, Camille Claudel continue de suivre l’enseignement d’Alfred Boucher qui l’encourage à fréquenter les salons et les galeries d’art, afin de garnir son carnet d’adresses. Camille réalise un buste de son maître, qu’il fera connaître autour de lui, elle consacre son temps à l’apprentissage de la sculpture, elle fréquente les élèves de Boucher, noue des amitiés qui perdureront (notamment avec Jessie Lipscomb)... Ces années de découverte et d’acquisition (1882-1886) sont peut-être les années d'une période bénie de l’existence de Camille Claude.
Lorsque Alfred Boucher doit se rendre en Italie durant une année (1883-1884), dans le cadre d’une résidence à la Villa Médicis, il propose à Auguste Rodin de s’occuper de ses élèves en son absence... La suite est connue.
Il est émouvant de savoir que les œuvres d’Alfred Boucher sont visibles au Musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine, anciennement Musée Alfred Boucher... Ou quand l’élève a dépassé le maître.
C : comme Claudiquer
Le nom de famille Claudel pourrait être issu du verbe « claudiquer », qui signifie : boiter. Selon le dictionnaire médicale : « La claudication est une démarche dissymétrique qui permet d'abréger le temps durant lequel un membre inférieur doit supporter le poids d’un corps au cours d’un déplacement. La cause de la claudication peut être une douleur ou anomalie musculaire, tendineuse, articulaire ou osseuse. La claudication est en général visible au cours de la marche ou peut s’identifier lors de l’analyse des empreintes de pas dans un sol meuble. » S’appeler Claudel ne signifie pas les personnes qui portent ce nom boitent, mais qu’un ancêtre a forcément boiter pour qu’on l'ait surnommé ainsi. Est-ce que nous sommes capables d’identifier dans la généalogie de la famille Claudel celle ou celui qui a initié, par son handicap, cette attribution patronymique ? Non. Par contre, ce qu’il y a d’intéressant à préciser, c’est que Camille Claudel était affectée d’un problème de hanche qui la faisait boiter...
D : comme Débarras ou bon débarras
Camille Claudel a été internée en 1913, quelques jours seulement après la mort de son père. Ce détail devenant signifiant pour les opposants à cet internement qu’ils qualifiaient de forcé, faisant de Louis-Prosper Claudel le seul soutien de Camille. Mais ce serait oublier que depuis 1910, l’artiste vivait recluse et sans ressources dans son atelier situé Quai Bourbon. On sait de source sûre que Camille ne sculptait plus, et pire, qu’elle détruisait des plâtres et des moulages inédits qu’elle laissait joncher le sol de son atelier. Les habitants du quartier se méfiaient d’elle, de ses emportements et de ses menaces. En effet, se croyant la cible de « Rodin et sa bande », Camille vivait terrée chez elle, chassant les intrus à l’aide d’un manche à balai hérissé de clous. Lorsqu’elle fut embarquée par une ambulance en direction de l’asile, l’intérieur de son atelier fut révélé. Et ce qui n’était plus qu’un débarras, attesta de l’urgence d’une prise en charge, à laquelle la famille se préparait depuis quelques mois. Si ensuite les trente années d’enfermement peuvent se discuter, il était impératif, en 1913, d’extraire Camille Claudel de sa solitude. Son état mental et son hygiène exigeaient des soins immédiats, ses dettes devaient être payées et son quotidien pris en charge. Il est facile, avec le recul, de considérer cette clochardisation du comportement pour un appel à l’aide, mais il faut se souvenir de la Camille initiale, celle qui imposait son mode de vie à sa famille, celle qui écrasait son frère Paul et sa sœur Louise de son charisme, et celle qui ne laissait pas ses parents décider à sa place. Alors qu’il aurait suffi d’une personnalité doté d’un caractère fort et d’un amour indéfectible pour Camille, pour l’obliger à se remettre en question et se ressaisir. Alors qu’un suivi médical psychothérapeutique aurait ou identifier les causes et réelles de son mal-être, la faiblesse des uns et la lâcheté des autres a fait de Camille un être mythifié avant l’heure, et donc inaccessible. Sa mise au tombeau prématurée est un aveu d’échec, sa mère a dû penser très fort « bon débarras » quand elle a pu constater que Camille serait admise à l’asile. La preuve de ce soulagement, il faut la trouver dans les courriers des médecins successifs, qui souvent proposèrent à la maman Claudel une libération de sa fille. Mais jamais Louise Claudel ne souhaita revoir Camille, elle le dira en ces termes : « Elle me déteste et sa place est à l’asile ».
E : comme Eugène (Eugène Blot)
Eugène Blot (1857-1938) était marchand d'art et éditeur de sculptures (il avait hérité d’une fabrique de bronze). Il fait la connaissance de Camille Claudel en 1904, par l’intermédiaire du critique d’art Gustave Geoffroy, un familier de Rodin. Ce dernier connaissait bien Camille qui l’invitait parfois à passer voir ses création en son atelier du Quai Bourbon de l’île Saint-Louis (cette précision permettant de constater que Camille Claudel savait nouer des relations professionnelles dignes de faire la promotion de son art). Dès qu’il constate que Camille Claudel est dépositaire d’un réel génie créatif, il se propose de fondre ses plâtres en bronze et de les mettre en vente auprès de sa clientèle (Eugène Blot possédait une galerie d’art boulevard de la Madeleine).
Au-delà de son rôle joué pour la diffusion des œuvres de Camille Claudel, Eugène Blot a soutenu moralement l'artiste qu’il respectait et la femme dont il savait la précarité de la situation matérielle et sentimentale. Ayant fréquenté et travaillé avec Auguste Rodin, Blot ne se laissait pas influencer par celles et qui ceux qui disaient que Camille avait petit de sa relation son ancien maître. L’importante correspondance entre Camille Claude et Eugène Blot nous éclaire sur leur relation professionnelle et amicale, ainsi que sur la genèse de certaines œuvres. Pour comprendre Camille, il est même indispensable de connaître la relation qu’elle eut avec Eugène Blot, même si celle-ci fur de courte durée. Blot connaissait intimement Camille, la soutenait à une époque où l'art féminin était peu estimé, et lorsque Rodin aidait Camille, de manière anonyme, après leur rupture, c’est encore lui qui jouait les intermédiaires.
Lorsque Camille Claudel fut internée, il continua de lui écrire, mais en vain, la famille ayant donné des ordres pour qu’elle ne puisse communiquer avec l’extérieur. Il lui révéla une visite de Rodin, à sa galerie en ces termes : « Un jour que Rodin me rendait visite, je l’ai vu soudain s’immobiliser devant L'implorante, le contempler, caresser doucement le métal et pleurer. Oui, pleurer. Comme un enfant. Voilà quinze ans qu’il est mort. En réalité, il n’aurai jamais aimé que vous, Camille, je puis le dire aujourd’hui... ». Mais déjà, à cette époque, Camille n’est plus l’artiste qu’elle avait incarné avec tant de force et de fragilité. Elle ne sculpte depuis plus 20 ans, continue de se plaindre des agissements de « Rodin et sa bande » et guette le moment de la cantine pour se faire cuire ses patates à l’eau.
Nous nous souviendrons d'Eugène Blot à travers les sculptures de Camille Claudel qu’il a produites en bronze. Blot a ainsi contribué à pérenniser l’œuvre de Camille et qu’elle soit exposée de nos jours dans plusieurs musées emblématiques que sont :
Eugène Blot fut bien plus qu'un simple marchand d'art pour Camille Claudel. Il fut un véritable mécène, un ami et un soutien indéfectible. Son rôle a été déterminant pour la diffusion de l'œuvre de la sculptrice et pour sa place dans l'histoire de l'art.
F : comme Frères
Camille Claudel a eu deux frères. Le plus connu s’appelle Paul Claudel et le moins connu est mort quinze jours après sa naissance. Si ce frère était resté en vie, il aurait l’aîné des enfants Claudel, ce qui signifie que Camille est la grande sœur de remplacement. Il est important d’évoquer ce drame familial, car il aura une incidence sur la destinée de Camille. D’abord, Camille porte un prénom sans lien avec l’histoire familiale, au contraire de Paul (qui porte le prénom d’un oncle, lui aussi disparu prématurément à l’âge de 20 ans) et de Louise, l’autre fille des Claudel, à qui les parents ont donné le même prénom... que la maman... Le choix d’un prénom « sorti de nulle part » fait de Camille une inconnue dans sa propre famille. D’autre part, ce prénom épicène (c’est-à-dire qui pourrait attribué à un garçon ou une fille), tente d’imposer la présence masculine invisible du fils disparu. Il serait trop simpliste d’attribuer au prénom Camille la responsabilité des déboires de l’intéressée, mais il symbolise une main-mise psychologique de la généalogie sur la destinée d’un enfant qui devra apprendre à vivre avec une « casserole du passé » dont il n’est pas responsable.
G : comme Glaise
Au moment de la naissance de Paul, la famille Claudel s'était installée dans l'ancien presbytère de Villeneuve-sur-Fère, issu d’un héritage familial. C’est la mère, Louise-Athénaïse Cerveaux (qui épouse en 1862 Louis-Prosper Claudel), qui est originaire de ce village de l’Aisne. C’est sur la butte et dans la plaine de Geyn, ainsi que la vallée de l’Ourcq, immense trouée vers Paris et perspective invisible vers la mer, que Paul et sa sœur Camille se promènent. Convaincu d’être habité par une vocation de poète, Paul accompagne sa sœur ramasser des blocs de glaise qu’ils charrient dans de grands sacs de jute. Dès l’âge de 12/14 ans, Camille consacre ainsi l’essentiel de son temps à modeler cette argile sombre en incarnant de ses mains les visages de ses parents et de ses frères et sœurs. Cette aisance à trouver dans la glaise des formes humaines, est un prélude à un autre don : celui de tailler la pierre. Cette compétence est à souligner, car Auguste Rodin, par exemple, ne savait pas sculpter. Il confiait la réalisation de la taille du marbre à des praticiens, qui devaient respecter un modèle en plâtre ou en glaise.
H : comme Henrik (Henrik Ibsen)
Henrik Johan Ibsen est un dramaturge norvégien, né le 20 mars 1828 et mort le 23 mai 1906. Il naît dans une famille désuni en raison des faillites à répétition du père, ce dernier sombrant dans l’alcoolisme et la violence. Ce contexte inspirera Ibsen pour l’élaboration de ses drames. Sa mère se consacrera à une pratique religieuse assidue, virant au mysticisme, à une époque où l'Église luthérienne est la seule autorisée en Norvège depuis 1683, année où les catholiques furent chassés de Norvège en étant obligés d’abandonner leurs biens et leurs maisons. L’intransigeance luthérienne marquera Henrik Ibsen qui mettra en scène ce couvercle de moralité posé sur la destinée des familles norvégienne dans sa pièce La maison de poupées. Pourquoi évoquer la figure d’Ibsen dans le cadre d’un dictionnaire sur Camille Claudel ? Car en 1899, le dramaturge s’inspire de l’histoire d’amour entre Rodin et Camille pour écrire se pièce : Quand nous nous réveillerons d’entre les morts.
Quand nous nous réveillerons d’entre les morts est une réflexion sur la création et le pouvoir délétère de la vocation artistique. Parmi les sept personnages de la pièce, Le professeur Arnold Rubek est le sculpteur (personnage inspiré d’Auguste Rodin) et Irène la voyageuse est un ancien modèle d’Arnold (personnage inspiré de Camille Claudel). L'action se déroule au sein d'une station thermale où le sculpteur et sa femme Maja passent quelques jours de vacances. Arnold éprouve un malaise général dans son existence et sa femme exprime sa déception, car son mari lui avait promis une promenade au sommet d'une montagne, « pour contempler le monde tel qu'il est vraiment », mais ce périple n’a jamais eu lieu. C’est dans ce contexte que le sculpteur va apercevoir une femme habillée de blanc. Il comprend que cette femme est un ancien modèle, qui reproche à Arnold de lui avoir volé son âme pour la mettre dans sa sculpture appelée Le Jour de la résurrection. Le sculpteur reconnaît que si cette sculpture lui a apporté la renommée, depuis, il vit dans une sorte de deuil permanent.
Le couple formé par Arnorld et Maja se porte mal. Le sculpteur avoue à sa femme qu’elle ne lui procure plus aucune émotion et que c’est la cause de son apathie artistique. Il souhaite vivre avec son ancien modèle, et sa femme lui propose un ménage à trois. Mais les choses ne sont pas si simples et lorsque Arnorld propose à Iréna, son ancien modèle, qu’ils partent vivre ensemble sur la montagne, celle-ci tente de le poignarder, puis y renonce, avant de refuser de vivre avec Arnold et de poser à nouveau pour lui. Pendant ce temps, la femme du sculpteur découvre la montagne avec un chasseur qui réside dans la station thermale, elle semple plus épanouie que son mari, mais ne souhaite pas le quitter. Elle refuse même les avances du chasseur.
Lors d’une ultime sortie sur les flancs de la montagne, le chasseur est le seul capable de guider la troupe sans danger. Mais ne pouvait s’occuper que d’une personne à la fois, il propose de ramener la femme du sculpteur à la station et conseille à Arnold et Irèna de se mettre à l’abri en raison de la tempête qui s'annonce
Irèna souhaite se suicider, car elle pense qu’à son retour à la station on la mettra dans un asile. Il est vrai qu’elle est accompagnée, depuis le début de la pièce, d’une religieuse qui semble guetter le moment de l’enfermer. Arnold la persuade de ne pas se tuer et Irèna avoue qu’elle a tenté de le poignarder, mais qu’elle y a finalement renoncé parce qu’il lui semblait que le sculpteur était déjà mort. La tempête approche et obligent les deux amants à monter un peu plus haut, au-dessus des nuages, mais une avalanche va les emporter. La religieuse, qui suivait Irèna à distance assiste à la scène.
Comme on peut le constater, l’intuition propre au génie a permis à Ibsen de mettre en scène la tragédie de Camille Claudel métaphoriquement, mais de manière crédible. La pièce évoque la crainte d’un internement, qui aura bien lieu 14 ans plus tard dans la vraie vie. Ibsen parle d’une âme volée par le sculpteur, prenant le parti d’une mort commune « en plein ascension »... C’est la seule erreur de Henrik Ibsen : car si Camille va affronter durant trente ans la chute dans le gouffre de la solitude et de l’enfermement, Rodin continuera son ascension vers la gloire et le foisonnement social. Mais peut-être qu’Ibsen a raison, et que les deux artistes auront perdu leur âme au même moment, lors de la confrontation de leur génie.
I : comme Internement
Camille Claudel passa 30 ans de sa vie dans un asile, de 1913 à 1943. Plus précisément, elle connut deux lieux d’internement. Le premier fut l’asile de Ville-Évrard, en Seine-Saint-Denis, le second fut celui de Montdevergues, situé à Montfavet dans le Vaucluse, près d’Avignon. C’est en raison du premier conflit mondial de 14-18, que l’asile de Ville-Évrard fut évacué et que les pensionnaires effectuèrent un trajet en train éprouvant, avant de passer une nuit dans un wagon en gare d’Avignon, menottés à leur banquette, et d’être transférés dans le bâtiment qui leur était dédié. Camille Claudel a vécu jusqu’à l’âge de 79 ans, aura connu deux guerres mondiales tout en étant internée, et sera enterrée dans le cimetière attenant à l’asile, d’abord dans une tombe anonyme, puis quelques années plus tard dans une fosse commune et dans l’indifférence familiale.
J : comme Jessie (Jessie Lipscomb)
Jessie Lipscomb est une statutaire anglaise, née le 13 juin 1861 et décédée le 12 janvier 1952. Sa carrière de sculptrice est brève (1882 à 1887), mais fut marquée par deux rencontres importantes : la première avec Camille Claudel, dont elle fut l’amie, et la seconde avec Auguste Rodin, dont elle fut l’élève.
Fille d'un employé des charbonnages et d'une serveuse de bar, rien ne la destine à une carrière d’artiste, mais ses dons de dessin et de modelage sont remarqués lors de son passage au Royal College of Art. Elle obtient le premier prix de création de la Reine en 1882 et une bourse d’apprentissage qui lui permet de s’installer à Paris, berceau des arts et de la culture, pour continuer sa formation et fréquenter l'Académie Colarossi, puisque l'École des Beaux-arts n'accueille pas de femmes, ce que pourra constater Camille Claudel...
Jessie loue un logement rue Notre-Dame-des-Champs qui appartient à la famille Claudel, ce qui lui permet de partager un atelier de création situé dans la même rue, avec Camille. Leur formation est supervisé par Alfred Boucher qui leur présentera ensuite Auguste Rodin. En 1885, Jessie Lipscomb, tout comme Camille Claudel, devient assistante et praticienne dans l'atelier de Rodin. Les deux femmes vont travailler notamment sur le groupe des Bourgeois de Calais et la fameuse Porte de l’enfer. En 1886, Jessie Lipscomb et Camille Claudel se rendent ensemble en Angleterre ; Jessie pour revoir sa famille et Camille pour s’éloigner de Rodin qui est devenu un amant très présent dans sa vie... Les nombreuses lettres, envoyées par Rodin à Camille et adressées chez les Lipscomb, attestent d’une impétuosité des sentiments dont la jeune femme avait choisi, pour un temps, de se défaire (rappelons qu'Auguste Rodin a 46 ans et sa Camille 22 ans). C’est justement en raison de la relation intime et passionnée, et cause de disputes incessantes entre Auguste Rodin et Camille Claudel, que Jessie s’éloigne de son amie. Elle sert souvent d’intermédiaire entre les deux amants, ce qui est propice à des malentendus exténuant à justifier. Lorsque Camille décidera de quitter Rodin, au cours de l’année 1892, l’amitié avec Jessie ne sera alors plus qu’un lointain souvenir.
Jessie Lipscomb expose pour la dernière fois quelques sculptures à la Royal Academy en 1887, dont un portrait de Camille Claudel. Cette année là, Camille vit son apogée artistique qui sera mise à l’honneur l’année suivante au Salon des artistes français. Est-ce que l’évidence du génie de Camille a démobilisé Jessie de son travail ? Ce que l’on sait, c’est qu’elle épouse un ami d’enfance en 1887 et disparaît de la scène des arts tout en continuant de peindre et de sculpter pour le plaisir. Le destin de Camille et de Jessie est symbolique de leur caractère. Alors que l’une choisit la raison, en abandonnant la pratique assidue de son art, un retour au pays et un mariage sans passion, l’autre s’émancipe de sa famille, s’installe dans son propre atelier, devient la maîtresse officielle d’Auguste Rodin et consacre son énergie à la sculpture. Si Jessie Lipscomb aura pris sa part dans l’histoire de l’humanité, en faisant quatre enfants, Camille lui lèguera ses œuvres et son destin hors du commun ; une vie propice aux questionnements, encore de nos jours. Jessie Lipscomb décède à l’âge respectable de 90 ans, en 1952. Elle aura eu le temps d’aller rendre visite à Camille Claudel à l’asile. Une photo immortalise ces retrouvailles pathétiques qui datent de 1929 (Camille est âgée de 65 ans, mais en paraît 20 de plus...). On osera conclure ce qu'elle a toujours affirmé, mais son pouvoir le prouver : Camille aurait donné naissance à deux enfants, dont le père serait Rodin. Ce dernier ayant organisé leur " mise à l 'écart ", et une éducation financée pour se donner bonne conscience.
Camille Claudel et Jessie Lipscomb à l’asile de Montdevergues (Montfavet) en 1929
K : comme Kabbale
L’origine de ce mot remonte au XVIe siècle. Kabbale serait dérivé du terme hébreu kabbalha ou qabbala, qui signifie « tradition ». Dans la tradition juive, il s’agit de l'interprétation de la Bible au sens symbolique et ésotérique. C’est donc un ensemble de commentaires et d’analyse des textes sacrés qui font autorité et donnent à certains passages de la bible un sens métaphysique, allégorique et métaphorique propice à la l’élévation spirituelle. Par extension, le terme cabale pourrait être une francisation de son cousin hébraïque, mais ce n’est pas le cas. En effet, orthographié « cabale », le mot est issu du terme grec « kaballés » qui signifie cheval. Pourtant, au Moyen-âge, la cabale fait référence aux livres peu accessibles et peu compréhensibles, si l’on n’est pas soi-même initié à interpréter des textes et des documents propres à une science dite ésotérique. La cabale peut même devenir une langue autonome que le lecteur lambda ne peut saisir, ce qui permet de rédiger des traités philosophiques ou scientifiques codés. Cet occultisme fait des adeptes de la cabale des comploteurs qui vont utiliser la confusion des sens pour atteindre la réputation d’une personne en dénigrant ses actes ou ses œuvres. La cabale organise la discorde et instille la jalousie et la haine dans les esprits retords qui seront, ensuite, les acteurs d’une intrigue au dénouement dramatique. Au théâtre, faire cabale consiste à nuire au succès d’une pièce ou à la prestation d’un acteur. La coterie des opposants va haranguer la troupe durant la représentation et diffuser de fausses informations après le spectacle, c’est un avant-goût de la puissance démoralisatrice des réseaux sociaux qui n’ont donc rien inventé pour briser une carrière ou une réputation. Mais alors, pourquoi parler de « cabale » au sujet de Camille Claudel ? Tout simplement parce que son internement, en 1913, a déclenché dans le Paris des arts et de la culture une fronde révoltée à l’égard de la famille Claudel et parfois même de Paul Claudel. Certains admirateurs de l’artiste maudite (on a déjà cité Eugène Blot ou Mathias Morhardt) considérant que c’est une cabale qui avait eu la peau de Camille, en amont de son internement, que cette dernière brimade venait conclure une stratégie destinée à briser moralement Camille, la rendre folle pourquoi pas, avant de l’enfermer « pour son bien ». La seule question qui mérite d’être posée, si l’on souhaite s’intéresser à cette hypothèse, est la suivante : quel intérêt avaient, les protagonistes de la cabale, à briser la réputation de Camille Claudel et à perturber son raisonnement, peut-être dans le but de la faire interner ? Pour les théoriciens du complot et les curieux, il existe une conférence qui se propose de mener l’enquête, afin de mieux identifier à qui a profité le crime...(cliquez sur ce lien)
L : comme Louis ou Louise
Les prénoms Louis et Louise sont incontournables de la famille Claudel. Le père Claudel s’appelle Louis-Proper, la maman Louise et la sœur cadette de Camille également Louise. Cette enchêvetrement patronymique, complété par le prénom Paul attribué au petit frère, en souvenir d’un oncle mort noyé, fait du prénom Camille une anomalie, puisque celui-ci ne fait référence à aucun ancêtre des Claudel ou des Cerveaux (le nom de jeune-fille de madame Claudel). La figure de Louise Claudel est parfaitement représentée dans un buste réalisé par Camille Claudel quelques mois après son arrivée dans l’atelier de Rodin. La figure est joliment dessinée, le regard franc, la moue est fière et défie l’horizon... Louise a 19 ans au moment de cette sculpture et on se demande bien ce qui s’est noué entre les deux sœurs pour que la cadette devienne l’ennemie de Camille. Peut-être que la vie morne et sans passion de Louise a fait de celle de Camille la preuve de sa médiocrité ? Quoi qu’il en soit, les quelques témoignages de Louise et ses visites rarissimes à l’asile, durant les trente années d’internement de Camille, attestent d’une rancœur évidente, peut-être le moyen de renforcer le lien fusionnel qui l’unissait à sa mère, cette dernière ne cachant pas sa haine à l’égard de sa fille aînée.
Buste de Louise Claudel réalisé par Camille Claudel en 1885
M : comme Mathias Morhardt
Mathias Morhardt (1863-1939) est un journaliste, écrivain, poète et dramaturge qui savait utiliser ses réseaux et son talent de plume pour faire connaître des artistes tels que le peintre Ferdinand Hodler ou la statuaire Camille Claudel. Descendant d’une famille protestant alsacienne qui avait fuit en Suisse au moment de la Révocation de l’édit de Nantes, c’est un humaniste brillant intellectuellement et un militant des causes parfois perdues. Il fut l’un des membres fondateurs de la Ligue des droits de l'homme en 1898 (avec Ludovic Trarieux et Francis de Pressensé), laquelle fut créée au moment de l'Affaire Dreyfus.
Mathias Morhardt fut un proche de Rodin, son défenseur farouche au moment du Balzac que la Société des gens de lettres, le commanditaire, avait jugé obscène et peu conforme aux attentes du comité de validation (un Balzac en robe de chambre ne semblant pas s’accorder avec la stature de l’écrivain). Mathias Morhardt se considérait également dépositaire d’une mission : celle de protéger Camille Claudel contre les malotrus et les incultes qui peuplaient, et peuplent encore, les coulisses du monde de l’art. Il fut au cœur de la tempête sentimentale qui concernait Rodin et Camille, joua les médiateurs, toujours au profit de celle qu’il surnommait « l’enfant chérie de notre maison » ; la maison étant celle des Beaux-Arts. Pour preuve de son soutien indéfectible, c’est à Mathias Morhardt que l’on doit la commande de la Clotho à l’occasion du banquet anniversaire organisé en l’honneur du peintre Puvis de Chavannes, un banquet présidé par Auguste Rodin. C’est également Mathias Morhardt qui, le premier, propose une analyse de l’œuvre de Camille Claudel publiée au Mercure de France en 1898, qui incite Rodin à ouvrir une partie de son Musée de l’Hôtel Biron aux œuvres de son ancienne élève (contre l’avis de Paul Claudel), et lui encore qui mène la fronde à l'encontre de la famille Claudel, car il est convaincu que l’internement de Camille en 1913 ne se justifiait pas, ou que cette artiste méritait un traitement plus généreux.
N : comme Nuytten (Bruno)
Bruno Nuytten n’a réalisé que trois films pour le cinéma, le plus célèbre étant celui qui mettait en scène Isabelle Adjani et Gérard Depardieu. La première jouait Camille Claudel et le second Auguste Rodin. Le film est sorti sur les écrans en 1988 et on peut affirmer sans risque qu’il participa au retour en grâce de Camille Claudel. L’écriture du scénario profite des conseils et des écrits de Reine-Marie Paris, elle-même arrière petite-nièce de Camille Claudel, et qui mena un combat sans relâche pour faire connaître son aïeule au grand public et mener le travail harassant de rédaction d’un catalogue raisonné. Bruno Nuytten n’est donc pas devenu, à l’issue de ce premier film, un réalisateur prolifique et reconnu. Sa réputation, il l’a bâti dans l’ombre de la lumière (en l’occurrence, par le biais de son travail en tant que Directeur de la photographie). Un des films auquel il participa, et qui démontre son talent, est le film de Claude Miller, Garde à vue, avec Lino Ventura et Michel Serrault.
Isabelle Adjani incarne une Camille Claudel crédible, dans sa manière de vivre son art et sa détermination face aux influences néfastes des jaloux et des incultes. En amont de la concrétisation de ce projet, Adjani réussit à passer outre de nombreux obstacles, car Camille comme Isabelle n'ont pas eu la tâche facile pour imposer leur conviction. Leur mépris commun des compromis et leur beauté authentique auront permis la réincarnation d'une figure digne d'Antigone, c'est-à-dire d'une femme qui doit lutter contre les velléités masculines qui préfèrent la beauté muette des statues aux outrances des créatrices de génie. Le mimétisme est tel, que l’actrice devra littéralement défendre ce projet de film sur Camille Claudel auprès des producteurs, et surtout convaincre un réalisateur. Les producteurs tentaient de dissuader Adjani de se lancer dans un biopic, genre devenu à la mode, mais qui en 1988 ne rencontrait aucun succès. Isabelle Adjani résistait aux conseils des bien-pensants, sa rencontre avec Camille Claudel, depuis la lecture du livre d’Anne Delbée, Une femme (Presse de la renaissance - 1982), n’était pas le fait du hasard. Elle voulait interpréter Camille comme l’on désire visiter une maison ancienne, que l’on a connu dans son enfance, peut-être parce que l’on espère que ces retrouvailles nous donneront les clés de notre propre existence. La démarche d’Isabelle Adjani était irrationnelle, mais vitale pour elle. Elle voulait incarner Camille avant qu’une autre ne s’empare de ce personnage digne d’une tragédie grecque, mais son enthousiasme ne suffisait pas. Par dépit, elle proposa le « bébé » à Bruno Nuytten, son ancien compagnon, mais bien le papa d'un autre bébé, né, celui-ci, en 1979.
Bruno Nuytten venait de terminer son travail de directeur de la photographie sur le film de Claude Berri, Jean de Florette. Isabelle Adjani ne lui cacha pas qu’elle ne trouvait aucun réalisateur intéressé par son idée de film sur Camille Claudel, elle n’avait aucun scénario à faire lire, juste cette simple idée : porter à l’écran la vie tragique de Camille Claudel. Nuytten demanda par curiosité à Gérard Depardieu, qu’il avait côtoyé sur les films de Pagnol signés Berri, s’il ne se verrait pas dans la peau d’Auguste Rodin, et l’acteur lui répondit : « Pourquoi pas... ». Cet accord de principe permettait à Nuytten d’aller voir Claude Berri en lui disant qu’un film réunissant les deux stars, Adjani et Depardieu, aurait de la gueule, mais le producteur déclina la proposition, considérant que les films sur les artistes ne fonctionnaient pas... On peut donc avoir été le plus important producteur de films français et ne pas être un précurseur, ni un visionnaire...
Bruno Nuytten, entiché d’une idée de film qui le séduisait et d’une actrice dont il était peut-être encore amoureux, demanda à Odile Barsky de lui écrire un projet de scénario, mais celui-ci ressemblait trop au scénario d’un film de Chabrol, ce qui n’est pas étonnant, puisque cette dame participait à l’écriture de quelques dialogues des films du réalisateur de La Femme infidèle ou du Boucher. Est-ce que c’est à la suite de l’éviction de Odile Barsky du projet que Chabrol fut tenté de s’intéresser à Camille Claudel, jusqu’à à imaginer la rousse Isabelle Huppert incarner la brune amante de Rodin ? L’histoire ne le dit pas.
Ce qui motivait Nuytten à réaliser un film sur Camille Claudel, c’est la nostalgie de sa pratique des arts-déco et des ateliers qui produisaient, au XIXe siècle, tout ce qui est visible de nos jours dans les rues de Paris ou dans certaines villes de province : ces sculptures monumentales, qui exigeaient d’être produites dans des lieux démesurés et qui employaient de nombreux praticiens sous les ordres d’un grand nom. Nuytten n’avait bien sûr pas fréquenté cette époque bénie des arts, mais avait connu le sculpteur César (1921-1998) qui travaillait dans un atelier de grandes dimensions, et qui était secondé dans sa démarche créatrice par une équipe de soudeurs, de métalliers, de menuisiers... Tout comme Rodin était secondé par des praticiens chevronnés qui taillaient la pierre pour lui ou façonnaient le plâtre selon ses directives.
Bruno Nuytten était donc d’accord pour faire un film sur Camille Claudel, à la condition de pouvoir évoquer une époque révolue de la création artistique et de mettre en scène la vie d'un atelier, tel que celui que Rodin dirigeait. L’autre motivation de Nuytten concernait Isabelle Adjani et Gérard Depardieu, qu’il avait connus sur le film Barocco d’André Téchiné, en 1976. Recréer le duo de ces deux acteurs devenus des stars motivait Nuytten, qui y voyait aussi le seul atout pour enfin convaincre un producteur, car c’était souvent le cas dans le cinéma français des années 80 : on bâtissait des projets à partir d’un casting de stars, et ensuite on réfléchissait au scénario.
Plus que jamais déterminé à travailler sur le projet proposé par Adjani, Nuytten fait une rencontre déterminante, avec Reine-Marie Paris, la petite nièce de Camille Claudel, qui considérait qu’il n’y aurait pas mieux qu’un film, interprété de surcroît par Adjani, pour définitivement réinstaller son aïeule à sa vraie place : celle d’une artiste de génie abandonnée par sa famille, et non celle d’une folle qui aurait commis quelques sculptures. Nuytten découvre, grâce à Reine-Marie Paris, l’incroyable correspondance de Camille et surtout des œuvres ignorées du grand public et même des érudits de l’art. Il comprend la différence entre Rodin et Claudel, cette dernière mettant toute sa vie et ses tourments dans ses sculptures, pendant que le premier nommé envisageait son œuvre à la manière d’un poète qui métaphorise la réalité ou d’un romancier qui réinvente le monde à partir de ses intuitions.
Nuytten se documente, fait des repérages qui lui rappelle ses quelques années d’apprentissage aux Beaux-Arts, son idée du film se précise : il souhaite parler de la vie des ateliers d’art, mais également de la vie de Camille sans rien inventer de ses joies ou de son calvaire. Il ne se permettra finalement qu’une entorse à cet engagement : il filmera une séquence qui suggère une histoire sentimentale entre Camille et Debussy, qu’il jugera plus tard de « scène ridicule », alors que l’on sait juste que Camille aimait se moquer de son ami musicien, et que celui-ci était fasciné par elle.
Bruno Nuytten évoque également une autre raison, pour expliquer l’incroyable prestation d'Isabelle Adjani, qui incarne une Camille émouvante jusqu’à son internement. Il faut se souvenir qu’en 1987, Isabelle Adjani est victime d’une rumeur, portée par les médias et le corps médical, qui fait d’elle un cadavre en puissance, mangée de l’intérieur par une maladie dont ne sait rien : le SIDA. Cette rumeur a grandement perturbé Adjani, qui s’est trouvée obligée de se présenter sur un plateau TV pour dire qu’elle n’était pas malade, mais en oubliant de retirer la main de sa joue gauche durant toute sa prestation. Le lendemain, personne ne la croyait en bonne santé, forcément, cette main posée sur sa joue cachait une cicatrice et donc la preuve de sa maladie. Bruno Nuytten pense qu'Adjani a trouvé dans cette péripétie, dont elle aurait pu se détacher, les ressources d’aller chercher en elle ce que Camille avait peut-être ressenti : ce rejet de son être et la crainte de l'abandon.
O : comme Octobre
Octobre est le dixième mois de l’année, il ne comporte aucun jours fériés, ni fêtes religieuse . Octobre, c’est le mois des sorcières. Les jours impairs sont propices aux ensorcellement et rites initiatiques. Le mois d'octobre est également associé à la sorcellerie en raison de la célébration d’Halloween, le 31 octobre. Cette fête est d'origine celte et était appelée Samain, marquant la fin de l'été et le début de l'hiver. Pendant cette période, les Celtes croyaient que le voile entre le monde des vivants et celui des morts s'amincissait, permettant aux esprits et aux sorcières de se manifester. Par conséquent, le mois d'octobre est devenu associé à la sorcellerie, la magie et les superstitions, en particulier avec la popularité croissante d'Halloween dans la culture populaire occidentale.
Pour les romains, les premiers mois de l’année étaient les plus importants, ils portent d’ailleurs le nom d’un Dieu protecteur (Mars, Aprilis, Maius...). Les mois suivants sont juste classés selon leur ordre d’apparition (octobre est le huitième mois > octo = 8).
Paul Claudel intitule un poème Octobre, dont voici quelques strophes :
- Qu’une funèbre brume l’ensevelisse, ou que la longue sérénité du ciel l’efface,
l’an n’est pas d’un jour moins près du fatal solstice. - M’éloignant du soleil, je tourne mon visage vers cette lune large et pâle qu’on voit pendant le jour.
- Les mains impatientes de l’hiver ne viendront point dépouiller la terre avec
barbarie. - le grain se sépare de l’épi, le fruit quitte l’arbre, la Terre fait petit à petit délaissement à l’invincible solliciteur de
tout, la mort desserre une main trop pleine !
Camille Claudel naît le 19 octobre 1864.
P : comme Paul (Claudel)
Il est interdit de dire ou de penser du mal de Paul Claudel. Cette figure majeure de la littérature française du XXe siècle, ce dramaturge, ce poète revendiquant son influence rimbaldienne, cet essayiste qui essayait de nous décrire son génie à travers des théories qui se voulaient universelles, ce diplomate qui a profité de son statut pour visiter le monde sans risque, nous a laissé une œuvre riche et complexe, profondément influencée par sa foi chrétienne, mais pas seulement. Car si l’on se penche un peu plus près de son théâtre, notamment, on comprendra vite que son aventure sentimentale vécue en Chine aura marqué son caractère et son art.
Une vie entre littérature et diplomatie
Né en 1868, Claudel a mené une double vie. D'un côté, il était un diplomate de carrière, servant son pays dans de nombreux postes à l'étranger. De l'autre, il était un écrivain prolifique, explorant les thèmes de la foi, de l'amour, de la mort et de la destinée humaine.
Une œuvre inspirée par la foi
La conversion de Claudel au catholicisme, survenue à Noël 1886, a profondément transformé sa vie et son œuvre. Sa littérature est imprégnée d'une spiritualité profonde, où le divin côtoie le quotidien. Ses pièces de théâtre, comme Le Soulier de satin ou La Messe là-bas, sont de véritables cathédrales littéraires, où les personnages luttent pour trouver leur place dans un monde ordonné par Dieu.
Un style unique
Le style de Claudel est à la fois lyrique et théâtral. Il utilise un langage riche et imagé, mêlant des références bibliques à des expressions populaires. Sa poésie est souvent considérée comme difficile d'accès, mais elle offre une expérience unique au lecteur attentif.
Une influence durable
L'œuvre de Paul Claudel a exercé une influence considérable sur la littérature française et mondiale. Il est considéré comme l'un des plus grands dramaturges français de tous les temps. Ses écrits continuent d'être étudiés et appréciés aujourd'hui, témoignant de la richesse et de la profondeur de sa pensée
Q : comme Question
« La » question qui demeure encore passionnante à poser, car toutes les autres ont déjà trouvé leurs réponses, est celle-ci :
Qui est à l’origine du délabrement mental de Camille Claudel ?
Puisque toutes les sources qui sont disponibles à l’analyse ont rapidement permis d’affirmer que Camille Claudel avait besoin de soins thérapeutiques, même si les trente années d’internement peuvent être considérées abusives, la première question qui monopolisa l’attention fut celle-ci :
Qui a organisé l’enfermement de Camille Claudel ?
La réponse à cette question est la suivante : la famille Claudel avec l’aide d’un docteur qui signa la demande d’internement. On peut ensuite s’amuser à distribuer un pourcentage de responsabilité aux protagonistes du drame, souligner que l’internement a été organisé quelques jours après le décès du père de Camille Claudel, mais on ne ferait que s’offusquer dans le vide ou admettre l’évidence de la folie de cette artiste de génie. Il ne reste donc qu’à chercher à élucider cette seule question qui mérite une attention particulière, et cette question la voici :
À qui a profité le crime ?
Une question à l’origine d’une conférence qui choisit de mener l’enquête et de débusquer les coupables d’une drame digne d’une tragédie grecque.
R : comme Rodin (Auguste)
Si vous vous demandez qui est le mari de Camille Claudel, c’est que vous faites partie des rares personnes qui ignorent que Camille Claudel ne s’est jamais mariée. Le seul homme connu dans la vie affective de Camille Claudel est le sculpteur Auguste Rodin. Ce dernier prit plus place importante dans la vie de Camille Claudel, tant sur le plan artistique que personnel. Leur relation tumultueuse a profondément influencé le travail de Camille Claudel et est souvent évoquée dans la biographie de l’artiste. Le mariage tant espéré par Camille Claudel ne fut jamais célébré malgré une promesse écrite par Auguste Rodin. Dans un « contrat de mariage » écrit à titre privé, Rodin s’engage à ne fréquenter aucune autre femme en dehors de Camille et à l’épouser à l’occasion d’un voyage en Italie. La jeune artiste répondra à son amant, dans un courrier daté de 1891 : « Si vous êtes gentil, à tenir votre promesse, nous connaîtrons le paradis » ; mais Rodin ne tint jamais parole et Camille connut l’enfer.
Pourquoi Rodin ne souhaite pas se marier à Camille Claudel ?
Auguste Rodin s’engage par écrit à ne plus tromper sa jeune maîtresse et à l’épouser sans délai, et pourtant... Il continuera de tromper Camille Claudel avec ses modèles, il ne l’épousera pas, il refusera les enfants qu’elle aura de lui, et enfin choisira de se marier, à la fin de sa vie, avec sa compagne de toujours (Rose Beuret). Notons que Camille se fera avortée au moins deux fois, et que Rodin était déjà papa d’un fils qui ne portera jamais son nom mais celui de sa compagne Beuret... Les conditions d’une vie épanouissante entre ces deux artistes de génie étaient si peu réunies , qu’il ne faut pas s’étonner de constater que c’est Camille qui mettra un terme à cette relation. Elle vivra ensuite seule, sans amant connu, en s’éloignant de sa famille qui ne la comprendra plus, avant d’achever son existence dans un asile de fous.