En 1866, Rose Beuret donne un fils à Auguste Rodin, qui ne le reconnaîtra pas et qui donc ne portera pas son nom... On ne peut qualifier Auguste-Eugène Beuret de fils caché, puisque son père et surtout sa mère ne l’abandonnèrent pas, mais comment qualifier un gamin qualifié de raté et qui n’a jamais été vraiment aimé, ni soutenu moralement ?
Portrait de Rodin par son fils
La vie du fils de Rodin
Auguste Rodin n’accordera à son seul fils, Auguste-Eugène Beuret, aucune attention et un mépris poli. Accaparé par sa carrière, il laissera d’ailleurs souvent, de longs mois, la mère et l’enfant vivre seul, notamment lors de son périple en Belgique. Né dans une famille pauvre, Auguste-Eugène Beuret est une charge supplémentaire et un souci de plus dans une existence qui n’a pas fait de Rodin le sculpteur célèbre qu’il deviendra. Enfant d’abord jugé turbulent, Auguste-Eugène Beuret fera une chute sur le crâne, en tentant de récupérer le ballon d’une petite fille vers l’âge de 8 ans. Cet accident fera de ce garçon un personnage peu loquace, parfois plein d’énergie, ou carrément atone. Son père tentera bien de le faire travailler dans ses ateliers, mais il se lassera vite des capacités limitées de ce rejeton peu aimé. On pense que cette chute accentua son potentiel plus que limité, ce qui ne fit qu’accroître le fossé déjà en préparation entre lui et son père. Cette destinée un brin pathétique rappelle celle du fils d’Einstein, lui aussi plus ou moins mise à l’écart par un père qui n’avait pas de temps à perdre avec un enfant peu doué. Rose Beuret ne compensera évidemment pas l'absence d’un père véritable. Elle s’occupera de son fils avec une attention maternelle sincère, mais la personnalité d’Auguste occupait déjà tout son temps et toutes ses préoccupations ; au détriment donc de son entourage proche.
Qu’est devenu le fils de Rodin ?
Auguste-Eugène Beuret sera graveur, puis fripier. Un graveur doté d’un joli coup de crayon, si l’on en juge par le portrait dessiné qu’il fit de son père, mais un graveur à l’esprit tourmenté.
Vivant chichement et, selon les témoignages, plutôt asocial, on ne lui connaît aucune femme et aucune vie de famille indépendante du giron familial initial. Il viendra récupérer des habits, de la nourriture et un peu d’argent auprès de sa mère, lorsque son caractère obligeait ses patrons à se séparer de lui. On parle d’Auguste Beuret en le qualifiant « d’affreux vaurien », on le fréquente peu, c’est un pauvre type parfois un peu violent que l’on préfère regarder de loin.
Pendant des années, son père l’a tenu à l’écart de ses préoccupations, la raison de ce courroux ne serait pas anodin : on aurait surpris un jour Rodin, interpellant son fils sur un ton effrayé, pour lui dire : « Je ne vous connais pas... Je ne vous connais pas... ».
Si Rodin lui écrivait, il s’adressait à « monsieur » et signait ses missives d’un « A. Rodin » assez peu paternel. Lors de son départ à l’armée, Rodin dira à Auguste-Eugène : « Surtout, imbécile, tâche au moins de gagner des galons, puisque tu n’es bon à rien »... C’était avant son expérience à l’atelier, le père avait-il encore l’espoir d’un rejet, digne de de lui ? Si c’est le cas, cet espoir ne résista pas aux coups d’épée dans l’eau dans garçon un peu simplet et délaissé affectivement.
Enfin, lors du mariage tardif d’Auguste et Rose, le fils se plaindra d’être « l’oublié de l’affaire ». En effet, fils non reconnu par Rodin, il restera jusqu’à la fin de sa vie : Beuret, le fils dégénéré de la vieille compagne du génie.
Auguste-Eugène Beuret meurt en 1934, après une vie morne et sans relief . Il meurt presque 10 ans avant Camille Claudel, alors qu’ils avaient pratiquement le même âge. Lorsque Rodin fréquentait Camille, il côtoyait une jeune femme de la même génération que son fils. Peut-être que cette proximité a gêné Rodin, et que son fils, en faisant de lui un père, l’empêchait de jouir pleinement de la jeunesse que lui infusait sa jeune-maîtresse ? Ces questions sont abordées dans la conférence qui place la psychanalyse au chevet de Camille Claudel (en savoir plus).
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